L’EXPANSIONNISME NEO-OTTOMAN par Charalambos Petinos, historien et écrivain
La politique
néo-ottomane de
Pour le moment, la situation la plus claire sur ce point est celle prévalant en
Syrie. En effet, comme le précise le quotidien Le Monde dans son édition du 25
août, à l'issue d'une offensive éclair, mercredi 24 août, quelques milliers de
rebelles syriens soutenus par des F16 et des chars turcs sont parvenus à
prendre aux djihadistes de l'organisation Etat
islamique (EI) la ville syrienne de Djarabulus, à
l'ouest de l'Euphrate, non loin de la frontière turco-syrienne.
Il s'agissait de « mettre un terme » à l'instabilité sur la frontière turque,
de viser non seulement l'EI mais aussi les milices
kurdes. «
L’armée turque utilisant comme « paravent » le soutien de quelques rebelles
syriens afin de donner un semblant de « légitimité » à son intervention / invasion
n'a pas eu de mal à établir son contrôle sur la ville. D’autant plus que
l’objectif principal claironné à hue et à dia par les Turcs et leur président
autocrate est l’élimination des Kurdes des unités de protection du peuple
(YPG), le bras armé du Parti de l'union démocratique (PYD), affilié au Parti
des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste), en guerre contre Ankara
depuis 1984. Selon un officiel turc, l'opération visait à « sécuriser la
frontière turque », à « aider la coalition anti-EI »
ainsi qu'à « créer une zone libérée des terroristes au nord de
Ankara est bien décidé à empêcher la jonction des trois régions kurdes de Syrie
(Afrin à l'ouest, Kobané et
Djazira à l'est) que le PYD brûle de voir émerger en
une seule région autonome kurde aux portes de
Marie Jégo précise encore dans l’article cité
ci-dessus : « Une chose est sûre, les Turcs ne s'arrêteront pas à Djarabulus. Leur objectif est de réaliser « la zone de
sécurité » qu'ils réclament en vain à la communauté internationale depuis
longtemps. Il est question que la portion de territoire allant de Marea à Djarabulus soit placée
sous le contrôle de la rébellion syrienne soutenue par Ankara. Non content
d'être une zone tampon entre les Kurdes d'Afrin et
ceux de Kobané, l'endroit pourrait abriter les
réfugiés syriens que
De l’autre côté de la frontière, en Irak,
En
Turquie, chronique d’un coup d’Etat raté
Le coup
d’Etat du 15 juillet, mal préparé et mal exécuté a donné l’occasion à Erdogan de justifier et d’intensifier ses coups contre la
laïcité et les Kurdes. D’après certaines rumeurs il aurait qualifié lui-même le
coup d’Etat de « pain béni » justifiant et légitimant la répression qui vise à
mettre au pas la société turque et surtout la frange laïque et démocrate du
pays (3).
Quelques faits et dates
* Le coup d’Etat a permis à Erdogan d’asseoir un peu
plus son emprise sur les institutions et la société turques. Il a lui-même
qualifié le coup d’Etat de « pain béni » car cela lui fournissait le prétexte
idéal d’en finir avec les gulénnistes et la laïcité.
* Les purges ont été drastiques :
- Un tiers des 358 généraux turcs ont été arrêtés ou font l’objet d’une
enquête.
- Une semaine après le coup d’Etat manqué, plus de 20 000 professeurs ont été
chassés de leur emploi, à commencer par 1 250 doyens de faculté.
– Plus de 100 000 Turcs arrêtés, gardés à vue ou limogés avec une libération
massive des prisons des condamnés de droit commun pour libérer des places pour
les opposants
- Poursuite des condamnations des journalistes et fermeture massive d’organes
de Presse réputés proches de l’opposition, dont le quotidien kurde Özgür Gündem.
- Au fur et à mesure les purges s’étendent vers tous les secteurs clés :
magistrats, universitaires, journalistes, policiers, militaires.
- La menace de réintroduction de la peine de mort est brandie, au grand dam des
Européens, bien silencieux par ailleurs, terrassés par la crainte de voir
l’accord sur les migrants tomber à l’eau…
- Recep Tayyip Erdogan a désormais toute latitude pour mettre à exécution
son projet de refonte civilisationnelle. Sa priorité
est de « fermer la parenthèse du kémalisme », expression en vogue dans les
rangs de l’AKP. Il veut débarrasser le pays des
repères imposés après l’effondrement de l’Empire ottoman, notamment la laïcité.
Erdogan et ses compagnons de route sont prêts à
mourir pour leur cause : « Cela fait longtemps que nous avons revêtu nos
linceuls », ont-ils coutume de répéter. La proclamation de la « République
islamique de Turquie » n’est peut-être pas pour demain mais une nouvelle ère a
commencé (4).
1 Le Monde du 25
août 2016.
2 Idem
3 Voir à ce sujet l’article de Caroline Fourest «
Vers un califat turc », dans Marianne du 16 septembre 2016.
4 Idem.